dimanche 16 octobre 2011

Minoritaire

Oui, je vole les titres d'albums de Jean-Jacques Goldman. En même temps, s'il est pas content, il n'a qu'à en faire un autre, d'album. Non, ça n'a aucun rapport, mais fallait bien le dire quand même.

J'informe mon lectorat qu'aujourd'hui, c'est long et verbal. Donc comme j'ai été faire un tour avec MA MOTO dans le centre-ville, pour maintenir l'intérêt, je vais disséminer des photos de trucs bien touristiques au milieu. Sans aucun rapport, mais ça fait des images.

Minoritaire donc. Parce que quelque part, le plus étrange ici, ce n'est pas la météo (on transpire), la nourriture (on mange très bien) ou le fait que JE CONDUISE UNE MOTO (je ne me suis pas fait de bleus sur les tibias cette semaine, c'est une première). Le plus étrange, pour moi, c'est d'être minoritaire.

Le fait est que quand j'y pense, et j'y ai un peu pensé ces derniers temps, je n'ai jamais été dans cette situation avant d'arriver ici. Je n'avais jamais été ailleurs qu'en Occident, donc blanche, ça passe inaperçu. Je suis athée, donc je m'épargne un paquet de difficultés, et on ne peut pas dire qu'en France, ce soit un acte super rebelle. Je n'ai même jamais été dans un coin du monde où la langue officielle n'était pas le français ou l'anglais. Même en passant deux ans à la frontière suisse, je ne me suis jamais aventurée plus loin que Genève ou Lausanne. Donc j'ai toujours compris ce qui se passait autour de moi, et si mon anglais est ce qu'il est, j'arrive quand même à me faire comprendre sans trop de difficultés. Je suis donc toujours passée parfaitement inaperçue. Et je ne m'en plains pas, être transparente peut être utile.

Mais ici, forcément, c'est différent. Parce que même si j'essayais très fort, on pourrait toujours dire que je ne suis pas vietnamienne. Même avec le casque sur la tête, les lunettes de soleil sur le nez, et en CONDUISANT UNE MOTO comme si j'avais fait ça toute ma vie, je sais très bien que tout le monde fait la différence. Du coup, on me regarde beaucoup plus qu'en France. Quand je prends le bus, quand j'attends à un arrêt de bus, quand je marche dans la rue... Disons qu'il ne m'était jamais arrivé avant que des enfants me montrent du doigt à leur mère, ou que des ados demandent à être pris en photo avec moi. C'est parfois un peu gênant, toujours surprenant, parce que très très nouveau.

 La poste centrale (je crois), design Eiffel, souvenir des français.

Et puis il y a la langue. Mine de rien, j'ai un peu travaillé là-dessus ces deux dernières années, pendant mes deux années de Master que j'ai officiellement avec mention bien et je suis vachement contente. Mais je ne suis pas sûre qu'il soit possible de saisir toute l'ampleur du handicap linguistique avant de le vivre. Car oui, je dis handicap, et je le pense. Parce que soyons honnête, l'anglais est quand même pas super répandu ici, et en général, c'est avec un accent qui demande un petit temps d'adaptation et plein de répétitions, surtout que ce n'est quand même pas la langue avec laquelle je suis le plus à l'aise. Au Vietnam, on parle vietnamien, et c'est quand même bien ce qu'il faut avoir à l'esprit.

Donc je me retrouve dans un monde où je ne comprends rien, et où on ne me comprend pas non plus. C'est fou comme tout prend des proportions énormes dans cette situation. De mon côté déjà, parce que du coup, je me fais un peu des montagnes de tout, et que pour l'instant, je reste encore un peu sur la réserve. Mais aussi dans des situations toutes bêtes, qui pourraient être réglées en 30 secondes si on se comprenait, et qui là prennent trois plombes. Par exemple, le jour où j'ai acheté mon casque au centre commercial du coin, j'ai bipé à la sortie. Pas de raison particulière, ce jour-là, je n'avais rien volé, et même rien acheté avec un anti-vol. Mais j'ai bipé. Donc l'agent de sécurité est venu voir mes sacs, normal, il a sorti mon casque, a dit un truc à la caissière, qui lui a répondu un autre truc, m'a fait signe d'attendre, et est parti. Au bout de 5 minutes, je me suis demandée si je pouvais partir ou si on allait me jeter en prison, ou quoi. Et en fait non, il a fini par m'emmener à l'accueil, ou quelqu'un parlait anglais, et où m'a expliqué que la visière manquait sur mon casque, et qu'on allait m'en chercher une. C'était donc super gentil de la part de l'agent de sécurité, mais au total, l'affaire a dû prendre 20 minutes, dont 15 pendant lesquelles je n'avais aucune idée de ce qu'on voulait de moi. Et encore, je parle de handicap, mais j'avais un travail en arrivant, et je travaille dans ma langue, donc je ne l'ai pas à pleine puissance. J'ai la possibilité de passer des journées entières sans avoir besoin d'un seul mot de vietnamien, ce qui est une chance.

La cathédrale Notre-Dame, autre souvenir français

S'il m'était déjà arrivé de me trouver dans des situations où la communication était compliquée voire impossible, notamment dans mes différents boulots, je finissais toujours pas trouver une solution et ce n'était pas tout le temps comme c'est le cas ici. Ceci étant dit, j'ai eu cette semaine une épiphanie, Noël en octobre, jour de fête nationale. La maman qui m'a embauché pour mon deuxième boulot voulait me dire quelque chose, et donc parlait en vietnamien à son fils pour qu'il me traduise. Et là, d'un seul coup d'un seul, j'ai entendu thứ bảy. Bon, littéralement, ça veut dire "jour sept", et je savais plus si c'était samedi ou dimanche (c'est samedi pour info). Mais je l'ai entendu, et "compris", comme ça, à froid. Et en faisant un peu plus attention à ce qui se dit en vietnamien autour de moi, je constate que oui, les mots que je connais, je les entends et je les comprends. Ca n'a l'air de rien comme ça, et effectivement, ce n'est pas grand chose vu l'étendue de mon vocabulaire, mais mine de rien, c'est un grand pas en avant. Parce que quand on apprend une langue étrangère, les fonctions de compréhension se mettent en place avant les fonctions de production, et que pour être honnête, j'étais un peu inquiète de n'avoir fait AUCUN progrès en compréhension depuis mon arrivée. Donc là, j'ai passé un cap, j'entends des mots, j'entends le découpage syllabique en fait, et avec un peu de chance, ça va me permettre de passer la seconde en production.


Pour revenir à nos moutons, si je sens bien que je n'appartiens pas au pays, je n'ai par contre encore eu aucune expérience malheureuse liée à mon origine. En tout cas pas que je sache, ce qui revient au même. Par exemple, je ne me souviens pas de quelqu'un qui ai eu l'air exaspéré parce que j'avais du mal à me faire comprendre. Un grand sourire, un peu de mime, et un mélange d'anglais et de vietnamien, et on s'en sort. Et je n'ai jamais eu le sentiment qu'on me reprochait de ne pas parler la langue. En fait, la seule fois où j'ai vu une serveuse excédée, c'était quand un Viet Kieu commandait en vietnamien, ce qui m'a fait un peu rire. Et quand je pense au nombre de fois où j'ai entendu en France "z'ont qu'à parler français aussi",  ça met un peu les choses en perspective. Quant au fait d'être blanche, oui, c'est noté, mais ça n'a pas vraiment eu de conséquences. Je n'ai encore jamais eu de tarif occidental, même pour la moto, puisque renseignements pris, j'ai même plutôt fait une bonne affaire, sans rien négocier du tout. Deux fois dans un bus un peu plein, un monsieur s'est levé pour me laisser sa place, ce qui est super gentil, mais vraiment pas nécessaire, ce que j'aurais bien voulu pouvoir expliquer. Les plus jeunes qui apprennent l'anglais à l'école me font souvent de grands coucous et me disent hello en passant. Et une fois dans le bus, une jeune fille est venue s'asseoir à côté de moi, juste comme ça, pour discuter d'où je venais, et si j'étais bien au Vietnam, et tout et tout.


Le palais de la réunification et tous ses touristes


Alors par contre, le vieux qui m'a montré une vidéo porno sur son téléphone après avoir tenté pendant 5 minutes de me dire un truc, je ne sais pas bien où le placer. Parce que bon, moi je l'ai totalement pris comme une agression et vu le regard qu'il m'a lancé en partant, j'étais pas mécontente de pas comprendre les mots qui accompagnaient. Mais je suppose que c'est une certaine façon de me dire que je suis bonne. L'effet n'est pas flatteur DU TOUT, mais bon, admettons.


Je précise que si j'étais un garçon, cette anecdote fort amusante me ferait une transition toute trouvée sur un autre aspect de la vie d'un occidental au Vietnam. Mais je suis une fille, donc je ne suis pas du tout concernée, et je ne ferai pas de commentaires.

2 commentaires:

  1. Oui, j'aime bien ton analyse et pour faire bref, une blanche (enfin moi c'est plutôt brique) en Asie s'en sort bien et de manière conviviale alors qu'une bronzée en France a certainement beaucoup plus de difficultés.

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  2. Clairement oui. Et je note qu'en Indonésie, tu peux publier des commentaires. Etrange.

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